Sans parler de l'aberration coloniale qui nous faisait choisir comme langue étrangère au collège entre notre notre propre langue maternelle et l'anglais, mon choix de l'anglais me fut dicté par la décision inique d'un prof d'arabe omnipotent à l'époque: en effet, alors que j'étais au CM2, ce prof. fut chargé de la sélection des élèves souhaitant se présenter au lycée franco-musulman d'Alger. C'était la voie royale pour être un parfait bilingue et, surtout, l'accession assurée à une carrière importante. Je me présentai, donc, le jour de la sélection avec mon " Ajroumia" (fameux manuel de grammaire contenant les règles sous forme versifiée pour en faciliter la mémorisation) sous le bras. Le prof. nous mit en file indienne et, pour toute sélection, a parcouru la file en désignant du doigt les candidats retenus, à la tête du client. C'est ainsi que le doigt du professeur sembla me bannir de ma culture d'origine pour me jeter pieds et mains liés dans une double acculturation, n'était-ce le fait que par mon milieu familial et social j'étais déjà bien enraciné dans ma culture propre. Je dois cela à Bou-saâda, ville où en dehors de l'école c'était la culture indigène qui prévalait.
Cette "excommuniassion" me fit choisir l'anglais au lieu de l'arabe, au collège où ce prof. enseignait et je n'ai jamais regretté ce choix car ce fut pour moi le début d'une ouverture formidable vers un humanisme à triple facette dans lequel j'ai pu construire -et je continue encore à construire- une identité forte, sans complexe , capable de m'intégrer sans me dissoudre dans les autres "bouillons" de culture. Fier d'être Algérien, musulman et de triple culture, j'assume ce patrimoine malgré le vent mauvais qui souffle dans ma direction et qui veut me déraciner. A ce sujet, je dois rappeler à ceux qui ne le savent pas qu'avant 1958, avant que le Génréral DE GAULE ne me proclama "Français à part entière", je portais sur ma carte d'identité la mention "Français-musulman". Comme quoi la discrimination ne date pas que d'aujourd'hui... . Ceux sont là des faits historiques, avérés et il n'y a aucune défiance dans mes propos mais l'histoire doit s'assumer, avec ses pages lumineuses et ses pages sombres.
Mme de Lasen, pour revenir à elle, contribua à son corps défendant à faire émerger et développer ma passion pour l'anglais dont je poursuis encore l'étude post universitaire. Un prof m'a bloqué, un autre m'a ouvert d'infinies perspectives. Qu'ils soient tous les deux remerciés.