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Bou-Saada mérite son nom plein de promesses; si le paradis est dans le ciel, certes il est au-dessus de ce pays, s'il est sur terre, il est au dessous de lui.
 
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 Interview de Souâd khodja

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Benaziez
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Benaziez


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MessageSujet: Interview de Souâd khodja   Interview de Souâd khodja EmptyLun 28 Jan 2008, 11:11 pm

Interview accordée par notre sociologue et écrivain, Souâd Khodja, à la revue de la chambre de commerce française.

A la seule idée d’aborder le thème des femmes chefs d’entreprise, surgit l’obstacle du recensement. On ne connaît ni leur nombre exact ni les secteurs dans lesquelles elles interviennent. Pourquoi est-ce si difficile d’obtenir des indications chiffrées et mesurables à leur propos et pourquoi des acteurs présumés informés de la question comme les associations patronales, les institutions, les ministères et les
organismes concernés peinent-ils à le faire ?



S.Khodja:
-En parlant des femmes Freud a avoué très sincèrement que pour lui elles constituaient le « continent noir » bien que dans son entourage on trouve sa fille Anna Freud, une éminente psychanalyste et qu’il a pris en analyse Marie Bonaparte devenue elle aussi une psychanalyste de renommée. Malgré cette très grande proximité il reconnaît que la tâche est difficile. Il avoue implicitement son échec à comprendre l’univers des femmes. Cet état de fait répond en partie à votre question. Mais il n’y a pas que cela : On peut dire aussi que l’instrument statistique algérien mérite d’être très nettement amélioré et pas seulement concernant les femmes chefs d’entreprise. On peut enfin dire que le voile de mystère qui entoure les femmes dans la société traditionnelle algérienne peine toujours à être levé. Sortir de l’espace privé pour occuper l’espace public est une bataille qui est loin d’être gagnée par les Algériennes.


Inversement, à un niveau représentatif, bon nombre de confédérations patronales aiment à montrer qu’elles comptent parmi leurs adhérents des femmes entrepreneurs. Le pouvoir politique, lui-même, n’hésite pas à faire entendre, notamment à l’occasion de la tripartite gouvernement-syndicat-patronat, qu’il veille à la participation de femmes chefs d’entreprise dans les discussions sur l’orientation à donner à l’économie nationale, l’emploi, les salaires, etc. Comment peut-on expliquer ce genre de discours et à quelle réalité correspond-il sachant que ces femmes chefs d’entreprise sont souvent en retrait tant au niveau du discours que de l’action ?

S.Khodja:
-Difficile de répondre à une telle question et de comprendre les motivations des uns et des autres Peut-être que contrairement à Freud ils n’osent pas trop avouer leur échec, ce qui, le cas échéant, les grandirait. Ceci dit la sociologie a ses raisons que la raison ne connaît pas ou a de la peine à connaître. L’accès à la modernité est un combat de toutes et de tous, l’un de ses indicateurs est une plus grande occupation de l’espace public par les femmes : Se dire moderne, ne veut pas dire être moderne ou vouloir sincèrement l’être. En d’autres termes les leurres de la modernité, comme les tours de passe-passe du magicien peuvent agréablement faire illusion, mais illusion simplement et seulement pour un temps. A cette différence près, l’illusionniste sait que ce n’est qu’un jeu.



Pour rester dans le discours officiel, la tendance est à mettre en exergue des femmes managers- une minorité- dont les entreprises sont synonymes de succès et dont l’audience déborde parfois les frontières du territoire nationale. A quelle logique ce réflexe obéit-il ? Participe-t-il d’une logique à identifier et à encourager de « vraies » patronnes, inscrites dans des stratégies de modernisation de leurs entreprises et du tissu économique algérien, par rapport à d’autres femmes qui ne le sont pas ?

S.Khodja:
-Si cette démarche consistant à visibiliser des femmes méritantes est sincère, elle est à encourager, ce d’autant plus que l’ univers de l’entreprenariat est traditionnellement réservé aux hommes dans toutes les sociétés , mais ici plus qu’ailleurs. Mais il faut bien reconnaître qu’une hirondelle ne fait pas le printemps. C’est aux femmes elles-mêmes de se faire connaître et reconnaître. Cela fait des millénaires que les femmes vivent dans l’ombre et le secret il serait peut-être temps qu’elles sortent de l’univers clos de la maison La balle est dans le camp des femmes. Pour l’histoire, il faut rappeler que les musulmanes ont eu le bonheur d’avoir comme ancêtre une femme chef d’entreprise KHADIDJA, l’épouse du prophète Mohamed. Ce n’est pas rien comme symbolique et elle est peu valorisée. Peut-être devraient-elles s’inspirer de son exemple.



Dans le même sens : Madame Soraya Rahim, la gérante de l’hôtel Hilton d’Alger (1), Madame Najet Belbachir, dirigeante d’une entreprise connue pour avoir exporté de la fourniture scolaire en Irak et membre du forum des chefs d’entreprise (FCE), leurs homologues qui participent régulièrement au dialogue entre les associations patronales algériennes et leurs partenaires internationaux comme le MEDEF, sont devenues la coqueluche des médias algériens et étrangers et semblent en voie de peser en terme d’actions économiques et politiques. Ces patronnes confirment-elles une exception qui dure depuis longtemps ou annoncent-elles, au contraire, le début d’une dynamique qui verra la femme algérienne s’imposer davantage au sein de la sphère productive et de marché ? Dans quelle catégorie doit-on classer toutes ces femmes qui sans être présentes dans l’espace public produisent des biens pour le marché ?


S.Khodja:
-Les deux possibilités sont à envisager, seul l’avenir nous le dira. Il y a comme ça dans la vie des rêves qui peuvent devenir réalité. C’est pourquoi j’espère en ce qui me concerne que c’est votre deuxième proposition qui triomphera et qu’on verra progressivement un nombre croissant de femmes s’imposer dans l’espace public pour faire connaître leurs grandes compétences. Les Algériennes ont fait preuve jusqu’à aujourd’hui et depuis toujours de grandes qualités et d’un grand courage, il serait temps qu’ils apparaissent au grand jour pour être valorisés. Et ceci pas uniquement pour flatter leur ego mais aussi comme on ne cesse de le répéter une société construite uniquement pour les hommes avec quelques femmes alibi est une société malheureuse et déséquilibrée. Moi je suis toujours fière de voir une Algérienne honorée au niveau nationale et international, qu’il s’agisse de Soraya Rahim ou de Assia Djebbar par exemple, et je leur souhaite de plus grands succès encore, car à travers elles ce sont toutes les Algériennes qui sont honorées et encouragées à en faire autant.


Pourquoi les femmes chefs d’entreprise les plus connues pour être des managers à succès sont-elles issues d’un milieu exclusivement urbain et des grandes villes en particulier ? Dans quelle mesure l’origine géographique et/ou sociologique, le territoire pour reprendre un concept à la mode, peuvent-ils déterminer le parcours d’une femme dirigeante ou créatrice d’entreprise ? Est-ce à dire que le monde rural limite rudement les possibilités pour les femmes d’accéder à la création d’entreprise ? Ou, alors, possède-il ses propres réalités ?

S.Khodja:
-C’est malheureusement la dure loi de la modernité. Une femme issue d’un milieu urbain et si possible d’une famille aisée a bien plus de chances de lancer son entreprise et aussi de se faire connaître qu’une femme issue d’un milieu rural et parfois d’une famille défavorisée. La première a plus de chances d’accéder à une scolarité de qualité ou sinon de se faire aider scolairement, d’accéder aux paradigmes de la modernité transmis par la télé, les bibliothèques, la presse, les voyages, les relations familiales…. Elle sait comment on gère une entreprise moderne, elle a plus facilement accès aux prêts bancaires, aux administrations, au marché pour écouler son produit…. Ceci dit il faut rappeler que même en milieu urbain elles ne sont pas nombreuses à avoir la chance de valoriser ces atouts familiaux.


Des femmes du monde de l’entreprise ont créé à l’image de SEVE des associations pour s’organiser et porter, semble-t-il, des revendications spécifiques et pour défendre un discours et des logiques qui ne seraient pas prises en compte par les autres regroupements patronaux. Quel regard portez-vous sur ce type d’association et pourquoi, disons-le, n’arrivent-elles pas à gagner en audience et en crédibilité et pourquoi sont-elles minées par des dissensions internes ?

S.Khodja:
-L’ouverture du champ démocratique est assez récente et la création des associations aussi. Si en plus ces associations sont prises en charge par des femmes qui ont toujours connu la soumission, difficile de devenir démocrate grâce à une baguette magique. Le monde associatif en général rencontre beaucoup de problèmes pour s’imposer une gestion démocratique et transparente, avec des règles de fonctionnement et des objectifs précis. On pourrait parler de maladie infantile de la démocratie. Il faut espérer que cette phase est une phase transitoire et que les choses iront en s’améliorant. La démocratie est un apprentissage dur et douloureux une sorte d’ascèse dans laquelle tout est lié : il n’y a pas de démocratie sans des démocrates c'est-à-dire des femmes qui se battent pour leurs droits, qui sortent du secret de l’univers féminin traditionnel, qui construisent des associations bien structurées. Toutes vos questions me ramènent à cette posture existentielle : Rien n’est jamais acquis à l’humain qui veut défendre ses droits, c’est une lutte permanente. Regardons l’histoire des pays occidentaux et les grandes luttes sociales qu’ils ont menés et qui leur ont permis d’avoir aujourd’hui des droits et des devoirs clairement établis leur permettant aujourd’hui de vivre une certaine stabilité …Pour nous tout cela est nouveau, il faut donner du temps au temps, capitaliser les réussites, identifier les erreurs, et il n’y a aucune raison pour qu’on n’y arrive pas un jour.




(1)* Le journal britannique des milieux d'affaires, le Financial Times, élu l’Algérienne Soraya Rahim, propriétaire de l'hôtel Hilton, parmi les 25 femmes leaders et les plus influentes chefs d'entreprise dans le Monde arabe et en Afrique du Nord.
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