Les rares fois oû il s'absentait nous savions qu'il était de retour à ce bruit particulier du moteur de sa voiture qui résonnait de loin , se reverbérant sur les couches ascendantes de l'air chaud des journées de printemps. Que de fois je l'ai entendu de la cour de ma maison, souvent à l'heure du repas de midi. Il fallait alors préparer en hâte les affaires de maths ou de sciences avant que la cloche ne sonne sous les impulsions énérgiques de Mme Andrée Lanusse, autre prof qui mériterait avec MELLE REVEL un autre hommage.
Il m'est arrivé de le voir descendre de l'école de filles du plateau dont son épouse était directrice et oû il résidait, couper à travers le jardin de la mairie et déboucher sur la rue principale de Bou-Saâda tout en croquant un navet fraîchement '"récolté". Bou-Saâda, en ce temps là, était auto-suffisante en légumes frais et bio.
Je me souviens qu'un après-midi nous étions en cours d'anglais et j'avais tellement fait m'"l'intéressant" que Mme De Lassen me mis dehors. Un malheur n'arrivant jamais seul, voilà que M. CHRISTEN arriva, tenant des documents à la main, et me voyant dehors puni à l'évidence, il m'asséna une gifle si mémorable que j'en évoque toujours la brûlure sur ma joue. Mais en dépit de tout cela, la crainte qu'on avait de luin'était pas due à la peur; elle était la conséquence du respect du maître que nos parents nous inculquaient et au sentiment enfoui en nous-mêmes que ce qu'il faisait était pour notre bien.
Il m'a tellement marqué que, bien plus tard, quand je suis devenu moi-même enseignant, j'ai adopté sa manière de souligner les titres , d'une ligne brisée comme les lignes qui symbolisent la mer, ce qui lui évitait d'utiliser la règle. Mais je n'ai jamais compris pourquoi il mouillait son doigt de sa salive pour effacer tel ou tel mot au tableau.