BOU-SAADA
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Bou-Saada mérite son nom plein de promesses; si le paradis est dans le ciel, certes il est au-dessus de ce pays, s'il est sur terre, il est au dessous de lui.
 
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 le café d'Alger

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Benaziez
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Benaziez


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MessageSujet: le café d'Alger   le café d'Alger EmptyMar 23 Sep 2008, 12:28 am

Un café qui n'avait plus rien de maure
Par: Farouk Zahi
Publié le: 21/09/2008 le Quotidien d'Oran
C'était le café d'Alger, situé à la jonction du quartier européen et de la médina. Ouvert au tout début des
années cinquante du siècle dernier, il baisse soudainement le rideau, il y a à peine quelques mois.Prétendant à
la modernité, ses premiers tenanciers, Hadj Ali ben Rabah et consorts, installaient la première enseigne
lumineuse au néon : « Café d'Alger» sur fond rouge et vert.Erigé sur les lieux mêmes d'un ancien café maure
tenu par Benabdallah père, il constituait l'événement de l'époque. L'Echo d'Alger annonçait son ouverture en
grande pompe. Disposant de 600 chaises, dit-on, le service était assuré par trois équipes tournant sur les 24 h.
L'attractivité commerciale était générée par l'intense activité hippique qui se déroulait à longueur d'année à
l'hippodrome d'« El-Gaâ». L'engouement suscité par la célèbre jument «Mabrouka» y était pour quelque chose
; le harras des Ouled Sidi Ziane pourvoyait tout le pays en chevaux barbe de race.Constitué de deux salles
imbriquées en forme de T, dont la barre supérieure comporte deux issues donnant sur les deux rues adjacentes
de part et d'autre du corps du bâtiment, il n'avait rien de commun. Un long comptoir permet aux gens pressés
de prendre leur café au pied levé, le reste de la clientèle disposait de la salle et des terrasses longeant l'entrée
principale ou la poste sur le trottoir d'en face. La hotte est une immense arcade sous laquelle étaient agencés
les percolateurs de café et de lait. Moderne, l'équipement, alimenté par une flamme bleue au gaz butane,
surprenait par le scintillement des chromes. Les tables rondes métalliques et leurs chaises changeaient les us
d'une clientèle habituée jusque-là , aux tables basses installées sur des nattes à même le sol. Les sirops à la
menthe ou à la grenadine faisaient leur entrée dans des bouteilles dotées d'un bec verseur. Le thé était servi
dans de petites théières dont le bec mordait à une touffe de menthe fraîche. Les petits pains beurrés, la brioche
ou les beignets chauds accompagnaient le café au lait le matin. Il n'y avait pas que les Européens qui pouvaient
se targuer d'avoir un café moderne à l'instar de celui de la poste dans le coin. La palmeraie, toute proche,
permettait aux maraîchers installés sur les abords, de vendre le lait et les figues fraîches tôt le matin. Le lait,
servi à l'aide d'unités de mesure de 200 et 50 décilitres, n'allait généralement pas au-delà de ces quantités. Les
figues fraîches étaient livrées dans des corbeilles en alfa capitonnées de feuilles de figuier. Un trait culturel
oasien faisait consommer ce fruit rustique, dès le lever du jour.Le «café d'Alger», point nodal de la
communauté citadine, connaîtrait-il le même sort que les restaurants «Le Ritz», «La Palmeraie», «Le
Kerdada», les hôtels «Le Sahara», «l'Oasis» et d'autres lieux mémoriels ? Ce lieu mythique a toujours été le
point de ralliement des tendances intellectuelles et politiques de la cité. Avec pignon sur rue, il donnait à la
fois accès à la Place «Canrobert» plus connue sous le nom de Ramlaya (Place Emir Abdelkader) du coté sud
et à la vieille médina par son côté nord. Cette configuration a permis à beaucoup de militants de semer les
forces de l'ordre coloniales, pendant la Révolution. Café des artistes, il recevait les troupes musicale de
Abdelhamid Ababssa et théâtrale de Hassan El-Hassani. La proximité de Hammam Lahouel qui servait de
dortoir aux passagers et la salle de cinéma, utilisée épisodiquement comme salle de conférence lors des joutes
préélectorales, rendait son giron plus attractif que tout autre lieu. D'ailleurs, l'activisme politique de l'époque
faisait installer le commissariat de police près de cette salle de spectacles. Assis en tailleur au-dessus du foyer
à bois surmonté d'une immense poêle à frire, Moussa ben Chenni, le marchand de beignet, lançait dans l'huile
bouillante ses bouts de pâte étirés. Le produit, servi brûlant dans des assiettes en aluminium, était fourni à la
clientèle du café, installée sur les terrasses. Emprisonné pour convictions politiques, Si Moussa fermait
boutique jusqu'au lendemain de l'Indépendance nationale. Quant à Ahmed Mèch, le receveur indigène de la
poste, lui, n'a pas eu la chance de surpasser l'écueil de la détention ; il aurait été assassiné au camp de
concentration de Djorf. En contrebas vers Ramlaya, Ahmed Lakhdar ben Tayar ouvrait la Maison de la datte
o๠des colis postaux pouvaient prendre n'importe quelle direction. Ahmed Daba (Abdeladhim) dont la
boutique était mitoyenne sous les arcades, faisait dans les articles artisanaux dont l'imparable éventail en
palme. Frappé du chameau et du palmier en fil de soie avec l'inscription «Souvenir de Bou-Saâda», ce
pittoresque article symbolisait «La cité du bonheur».Ces implantations n'étaient pas fortuites, elles gravitaient
toutes, autour du terminus des autocars. Le premier service de cinq heures du matin, sur les trois quotidiens, de
la Société Algérienne de Transport par Autocar «Satac» à destination d'Alger, partait à partir du café. Moulay
était ce portefaix marocain, venu on ne sait d'oà¹, qui prêtait ses services aux voyageurs. Le même premier
service d'autocar, venant dans le sens inverse, ramenait d'Alger le «journal» aux environs de midi. Le ballot de
«l'Echo d'Alger» jeté du haut de la marche du véhicule «Floirat» ou «Chausson», était destiné au buraliste Ali
ben Saïd (Terfaya), installé quelques mètres plus loin sous les arcades (disparues) de la rue Gaboriau (rue de la
République). Le pittoresque Dissi, habillé à la manière des dockers algérois, y fourgait sa sardine fraîche
ramenée par on ne sait quel moyen. A l'angle avec le café de la poste se trouvait «Berred», était-ce son vrai
nom ou plutôt celui de la fonction qu'il remplissait pour qu'on l'ait appelé ainsi ? Son kiosque était la halte
obligatoire des journées caniculaires. On y servait du jus sucré préparé dans un grand chaudron en aluminium,
dans lequel flottaient des tranches de citron et un gros morceau de glace. Un poussif ventilateur aidait à rendre
l'endroit plus clément. L'après-midi, c'était au tour de Ammar de vendre ses pois chiches saupoudrées de
cumin qu'il servait, dans des cornets faits de papier gommé. Sur l'accotement droit et plus loin que le café
maure Daidah (reconverti) en allant vers la Place colonel Pein (Place des Martyrs), Amira ben Lograb recevait
«la Dépêche de Constantine». Le journal était livré via Bordj Bou-Arréridj par les défuntes «Messageries du
Sahara» de Boukamel, richissime transporteur du M'Zab. La boutique Lograb a longtemps constitué la caverne
d'Ali Baba pour les enfants. On y trouvait de la confiserie orientale, le Kalbelouz notamment, le nougat
introduit par Bounab revenu de son exil syrien et autres toupies et jeux pyrotechniques. Salah, le non-voyant,
suppléait à l'absence de bureau de tabac, il vendait ses «Bastos» et «Camélia sport» qu'il tirait de son couffin
dissimulé sous son ample gandoura. Cette pratique ne pouvait relever que de la retenue morale, qu'il
témoignait à l'égard de la collectivité.Le «carrefour» était cet endroit névralgique constitué par le croisement
de la rue Saussier (rue du Moudjahid) qui menait vers les renseignements généraux, la gendarmerie, le siège
de l'Administrateur et la rue principale sur laquelle donnait la poste, l'hôtel Beauséjour, le syndicat d'initiative.
Ce dernier était tenu par le légendaire Dib Khadir, crieur public officiel. Doté d'une soyeuse barbe blanche, en
tenue traditionnelle et guenour (turban), il roulait son tambour avant de lancer son «avis» à la population. Il
annonçait occasionnellement le programme de l'unique salle de cinéma l'Odéon o๠M'Khabel Richou, détenait
le monopole de la cacahuète grillée. Le «café des Sports» de Bébère était le point de rassemblement des
bourgeois juifs européanisés, plus loin à l'extrémité sud de la rue se trouvait l'Hôtel «Transatlantique» actuel
«Kerdada» probablement seule survivance avec «Le Caïd», d'un tourisme qui se voulait exotique. Kada le
polyglotte, en tenue blanche traditionnelle, arborait en bombant le torse, un macaron rouge et or sur lequel
était inscrit : guide officiel. Freidja, en face, vendait ses roses de sable et ses «guenbri» en carapace de tortue.
Ce célèbre hôtel a abrité d'illustres personnages, de Gide à Colette, des stars internationales, de Victor Mature
à Hédy Lamarr pendant la réalisation de «Samson et Dalila», de Johnny Wesmuller pendant le tournage de
«Tarzan» à Marcel Pagnol pendant celui de «Tartarin de Tarascon» et bien d'autres oeuvres
cinématographiques. Les rues citées plus haut, promenade vespérale des résidents, étaient aspergées d'eau dès
le début de l'après-midi. La citerne communale mouillait l'asphalte brûlant à l'effet de le rafraîchir. Cette
évocation d'apparence nostalgique n'a pas concerné que la période coloniale ; elle balaie aussi dans le souvenir
de la période post-indépendance, jusqu'au milieu des années soixante-dix. On vivait la ville dans son concept
socio-urbain. La judicieuse répartition, même empirique des tâches, participait d'un souci évident de cohésion
sociale. Le projet individuel, modeste soit-il, s'inscrivait dans une dynamique de groupe o๠la notion de
service publique ne pouvait être parfois le fait, que de la seule communauté. Se confondant avec le nom
Benabdallah père et fils, gérant du fonds de commerce, le «café d'Alger», ce bien légué par le défunt Brahim
Hamida (1), va-t-il connaître la dislocation inéluctable de la succession ou bien un meilleur sort ? Les charges
mémorielle et émotionnelle que charrie cet édifice ne peuvent être escamotées aussi brutalement et sans appel
! L'autorité municipale est interpellée à plus d'un titre, pour trouver la solution qui siérait le mieux, à la
préservation de ce patrimoine commun.
(1) A part Salah le non-voyant, la plupart des personnes évoquées dans le texte ne sont plus de ce monde.
Un café qui n'avait plus rien de maure - Par: Farouk Zahi
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