BOU-SAADA
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Bou-Saada mérite son nom plein de promesses; si le paradis est dans le ciel, certes il est au-dessus de ce pays, s'il est sur terre, il est au dessous de lui.
 
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 Kassaman...

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kachina
mordu
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Masculin Nombre de messages : 455
Date d'inscription : 20/10/2006

Kassaman... Empty
MessageSujet: Kassaman...   Kassaman... EmptyLun 03 Déc 2007, 1:26 am

Kassaman... n'est-il pas l'hymne du taghenanete ?
par Amara Khaldi


Pendant la guerre de libération, il fallait placer des guetteurs aux points stratégiques pour surveiller les mouvements des patrouilles ennemies afin d'éviter les mauvaises surprises.

C'était une tâche généralement dévolue aux enfants à cause de leur petite taille et de leur agilité qui leur permettent de se mouvoir dans tous les espaces sans attirer l'attention. Les adolescents de cette époque partageaient les mêmes soucis que les adultes et s'occupaient de missions plus en rapport avec le théâtre des opérations de guérilla, tels le renseignement, la logistique... etc. L'effervescence perceptible pour les initiés laisse deviner l'imminence d'un événement et la plupart des proches et voisins convergent discrètement, toute affaire cessante, vers la demeure de celui qui a la chance de posséder la T.S.F., l'antique récepteur radio fonctionnant avec d'encombrantes batteries et le long ressort en cuivre appelé antenne boudin qu'il fallait déployer entre deux supports fixés le plus haut possible à plus de cinq mètres l'un de l'autre. C'était l'apanage de quelques personnes aisées. L'écouter confère un enviable statut social et relève du véritable rituel.

A quelques minutes du rendez-vous quotidien avec l'émission «Saout Eldjazaïr min Qalb Eldjazaïr» de la première radio algérienne, on s'affaire dans la vérification et l'installation du matériel. Le plus dégourdi du groupe, avec de multiples précautions, commence alors à manipuler le bouton de recherche des ondes. L'oreille aux aguets, tous les regards sont fixés sur le fameux oeil magique, un témoin dont l'intensité de la couleur va indiquer le moment où l'on a réussi à capter la station recherchée. On se bouscule pour être le plus près possible du poste radio. Après quelques sons incompréhensibles et des crachotements, les cinq premiers coups de tambour de l'hymne «Kassaman» crépitent comme une rafale de mitraillette dans un silence religieux. La puissance et la sophistication de l'émetteur ennemi qui envahit la même longueur d'onde pour brouiller l'écoute, avec l'inoubliable chanson égyptienne «Habina baâdina...» (Nous nous sommes aimés !...), n'est jamais parvenue à le rendre complètement inaudible. L'oreille s'est accoutumée à cette intrusion et arrive miraculeusement à trier et à comprendre les informations sur les épopées des moudjahidine et les harangues destinées à maintenir le moral de la population.

Elle arrive même à faire l'impasse totale sur les multiples formes de parasitage des émissions. Les coeurs purifiaient ce que l'oreille captait et on n'entendait plus que les refrains de l'hymne national. L'envoûtement est tel qu'on est carrément emporté en dehors des limites du temps, insensible au froid, à la faim, à la peur. Dans la ferveur qui s'installe et la communion qui s'opère, on finit par transcender toutes les autres préoccupations.

A l'inverse des couleurs nationales que peu de gens connaissaient et pouvaient en reproduire la copie du modèle officiel exactement, Kassaman était plus populaire et on le fredonnait même en secret dans les cours de récréation.

Lorsque la voix de Aïssa Messaoudi résonnait, l'assistance est déjà transportée vers les hautes cimes de nos majestueuses montagnes à la rencontre de ses héros que même ceux qui ne les ont jamais rencontrés se les représentent : vêtus de l'emblématique djellaba auresienne, marchant fièrement vers le sacrifice suprême. Austère et généreux, le moudjahid devient dans l'imaginaire populaire l'incarnation dans sa forme vivante des symboles de la nation. Affublé de toutes les valeurs suprêmes, il devient un personnage mystique. Il est le dépositaire des valeurs sacrées de la révolution, et le plus beau des privilèges qu'on pouvait espérer c'était de rencontrer cet être exceptionnel, ce demi-dieu. Une image que nos rêves d'enfant sublimaient à l'infini.

Qu'en est-il exactement aujourd'hui et que reste-il de ces fantasmes ? En mars 1962, il y a eu l'envahissement des «Marsiens» avec pour conséquence d'avoir submergé les véritables combattants dans la masse informe des nouvelles recrues venant de tous les horizons et avec souvent des intentions différentes, dont la plus préjudiciable est d'avoir créé des combattants d'arrière-garde et de charrier la culture de l'opportunisme.

Au lendemain de l'indépendance, au lieu de préserver la pureté originelle de nos symboles en les plaçant au-dessus de toutes les joutes politiques, on les a impliqués dans des querelles de chapelles.

Par naïveté ou par calculs prémédités, la plupart des maquisards ont été démobilisés et recrutés comme A.N.S. (agent non spécialisé) dans les différentes administrations pour les travaux de surveillance et de nettoyage. Le curage des toilettes était, lui, réservé aux veuves de chouhada. D'autres, plus versés dans les affaires, ont préféré obtenir des licences de café, de taxi... etc. Comble de cynisme, certains se sont retrouvés tenanciers de bouges malfamés, dans un pays connu pour son puritanisme. La course effrénée après les avantages matériels, l'accaparement des biens vacants, l'enrichissement rapide et insolent de quelques-uns parmi eux ont fini par les descendre de leur piédestal, ils avaient oublié en route que la révolution a été faite par le peuple et que le fait de l'inscrire sur le fronton de nos administrations ne peut les dédouaner de leurs serments et les dispenser de leurs devoirs envers l'Histoire. L'admiration et le respect qu'on leur vouait vont ainsi subir des préjudices incalculables. L'idole de notre enfance est tombée maladroitement dans les rets de la basse quotidienneté et a failli entraîner dans sa pitoyable chute jusqu'aux symboles les plus sacrés qui ont toutefois souffert des retombées de ces regrettables maladresses venant surtout de ceux qui devraient être en première ligne pour les défendre.

Certains comportements avaient de quoi ébranler les certitudes les mieux ancrées, ce qui a constitué une aubaine accordée gracieusement aux revanchards embusqués qui n'allaient rater aucune occasion pour donner libre cours à leur dénigrement systématique.

Les occurrences qui poussent vers la désillusion se rencontrent partout et à tous les niveaux. On découvre avec inquiétude que ceux qui sont chargés d'inculquer et de faire aimer ces valeurs à notre jeunesse manquent eux-mêmes de conviction et de pédagogie pour faire parvenir le message et à la place et pour cacher leur incompétence criante, préfèrent leur dispenser une forme rétrograde d'un prosélytisme religieux décadent curieusement toléré.

Dans des établissements publics, on a refusé de saluer la levée des couleurs. Les carrés des martyrs ont été outrageusement violés. Il y a même eu une certaine forme de transhumance vers des totems importés de contrées dont ni la civilisation et encore moins la culture n'a jamais brillé pour la pertinence ou la richesse.

Les effets des déceptions récurrentes générées par l'absence de modèles moraux irréprochables et l'»enseignement» des gardiens du temple, ont fini par donner naissance à quelques dangereuses déviations dont la plus inquiétante, après le terrorisme, est celle des «harraga». Fuir son foyer familial s'appelle une fugue qui se termine le plus souvent par une petite fête de retour au bercail, mais s'éjecter sans parachute de son pays dans des conditions suicidaires vers l'inconnu, voilà qui doit interpeller en urgence toutes les consciences et toutes les sciences avant que le nombre des émules ne devienne incontrôlable.

Il y a probablement des causes socio-économiques à l'origine de ce phénomène, mais ce n'est pas la seule raison. La perte de repères peut expliquer l'aventure de ces salariés qui, malgré leur position socioprofessionnelle que d'autres envient, tentent de rejoindre clandestinement l'autre rive de la Méditerranée après avoir tout abandonné ou de ces jeunes missionnaires (sportifs, stagiaires...etc.) qui faussent la route à leur délégation dès qu'ils arrivent à l'étranger. Les référents qui auraient dû les immuniser contre le désespoir ont été galvaudés et dévalorisés au point où leur simple évocation produit un réflexe de scepticisme, voire de rejet. Dire cependant que tout le corps a été contaminé par le doute ou la tiédeur du nationalisme, serait aller vite en besogne. On accepte volontiers d'être accusé de versatilité, mais qui n'a pas encaissé un démenti cinglant et senti paradoxalement l'espoir renaître en entendant ces milliers de jeunes s'égosiller «one, two, three... viva l'Algérie !» drapés dans l'emblème national. Mieux encore, les beurs, toutes générations confondues, ont entonné dans un arabe approximatif «Kassaman» et couvert superbement, au grand dam des responsables politiques, la «Marseillaise» jouée par la fanfare officielle lors du match Algérie - France au stade de France à Paris qu'ils avaient conquis le temps d'une soirée alors que bon nombre d'entre eux n'ont jamais foulé la terre de leurs ancêtres.

Est-ce par atavisme ou par une taghenanete légendaire héritée de ses aïeux qui pousse l'Algérien à faire le plus souvent le contraire de ce qu'on veut lui imposer ? Kassaman serait donc simplement notre taghenanete nationale mise en musique !
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