Cela va faire bientôt un an que Mme de LASEN, née de CHEVRINAIS, nous a quitté. Elle était jolie, féminine et avait de la classe. Douce, posée, elle faisait régner une atmosphère paisible dans la classe; et, surtout, surtout, elle fut l'un des peu nombreux professeurs qui ont montré une réelle empathie pour les indigènes que nous étions et demeurons aux yeux de certains autres. Malgré la souffrance qu'elle a enduré, son mari ayant perdu un œil lors d'un attentat, elle m'avait fait part de la compréhension qu'elle ressentait à l'égard de tout ce qui passait en Algérie. Elle m'avait fait part aussi de son attachement à Bou-saâda dans une carte postale qu'elle m'avait envoyée de Tunisie où elle m'écrivait qu'elle était partie avec sa fille, dans le sud tunisien pour retrouver le paysage et l'ambiance de notre chère ville. Elle m'avait expliqué, qu'une fois rentrée en France, elle nous valorisait auprès de ses élèves parisiens dont le niveau en anglais laissait à désirer. Nul doute qu'elle aurait été heureuse de se joindre à nous lors de ce fameux anniversaire dont les bougies se sont éteintes à jamais. Comme le dit un dicton populaire de chez nous, la mort choisit ce qu'elle prend et c'est au moment où Mme de LASEN s'apprêtait à prendre le train pour nous retrouver et retrouver un moment de sa vie, que le destin, cet aiguilleur implacable, a dirigé son train vers une autre destination.
Sa fin tragique m'a peiné et choqué par son aspect brutalement absurde et incroyablement injuste. Combien je regrette qu'elle n'ait pas pu revoir les lieux qui lui étaient chers et que nous n'ayons pas eu le bonheur de lui témoigner notre affection. Ainsi, au fil du temps, la procession de nos morts, continue à s'allonger.: M. Christen, Mmes Revel et Lanus, M. Toumi, Boukhalat, Merzougui, Lakel... Non, ce n'est pas une comptabilité macabre que je tiens mais c'est à un entretien des flammes de vie que je me livre et, à tout considérer, je préfère comptabiliser les morts qui nous sont chers que comptabiliser les faits divers pour stigmatiser les vivants.
Quoi qu'il en soit, je voudrais terminer cette première partie de mon hommage par remercier Mme de Lasen pour sa sollicitude envers nous. Elle mérite amplement du très biblique et coranique titre de 'Juste'.