Je voudrais, au moment où je m'appprohe de la fin de mon évocation des heureuses années passées au CEG de ma belle palmeraie, rendre un hommage solennel à ceux de nos camarades - qui ont été en fait nos frères - qui nous ont quittés trop tôt. Ce furent des frères car nous avons partagé avec eux notre intimité et ils ne nous ont jamais laissés ni au seuil de leur porte, ni au seuil de leur coeur.
J'aurais voulu, nous aurions voulu, vivre avec eux quelques années de notre retraite pour évoquer, le soir, assis en tailleur sur une natte en alfa ou un tapis étalé à même le sol devant la porte de l'un de nous, sous un ciel constéllé d'étoiles si proches, un verre de thé à la menthe à la main, pour évoquer- dis-je- le temps de notre insouciance et de nos illusions; et écouter de temps à autre, dans un silence profond le coassement des grenouilles donnant un concert en l'honneur de l'une d'elles. Qui n'a pas vêcu ces moments nocturnes paisibles oû même des sons désagréables le jour, comme le "hi-han d'un âne, l'aboiement d'un chien ou le coassement d'un crapeau augmentent en nous, lorsqu'ils nous parviennent du fond de la nuit, le sentiment de paix et de sécurité?
La contemplation du ciel étoilé sous la latitude de Bou-Saâda, rejoint celle des dunes de sable, le jour, car elles s'accompagnent du sentiment confus de transcendance dont on a si besoin. Devant le mystère de la vie et de la mort, la rationalité n'a plus cours. Mittérand, le cartésien, n'est -il pas parti à la veille de sa mort, chercher cette transcendance au bord du Nil?
Le destin a voulu que nos camarades disparaissent mais oû sont-ils? Il n'y a que la foi qui puisse nous donner une réponse qui nous empêche de sombrer dans la folie.
Oui, ils sont au paradis.
Toi, Boukhalat kouider, mon ami d'enfance, mon frère, à l'histoire particulière, je loue en toi l'innocence et la bonté. Je te garde une place particulière dans mon coeur.
Toi, El Aihar Allel, toi qui a subi tant d'injustices, puisses-tu pardonner à ceux qui te les ont infligées! Que tes souffrances t'ouvrent les portes du pardon celeste!
Toi Chérif Aissa, mon cher cousin, victime comme beaucoup d'entre nous des conséquences désastreuses de la guerre, dors en paix!
Toi, Merzougui Mohamed, original tu l'as été. Nous t'avons aimé pour celà et tu nous l'as si bien rendu.
A vous quatre, je ne peux que prononcer la formule que tout musulman récite en s'adressant aux morts quand il rentre dans un cimetière: "Vous nous avez devancé et bientôt nous vous suivrons".
Avec Lamartine:" prions pour eux, nous qu'ils ont tant aimés.
Ils ont pêché mais le Ciel est un don
Ils ont souffert, c'est une autre innocence,
Ils ont aimé, c'est le sceau du pardon."